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Peut-on prévoir l'évolution de l'épidémie de la COVID-19 ?
Texte mis à jour le 2020-06-19
Il est possible de simuler l’épidémie de COVID-19 en utilisant des modèles mathématiques. Ces modèles sont très utiles pour évaluer la situation de l’épidémie à un moment donné et prévoir son évolution à court terme. A plus long terme, ils permettent d’envisager différents scénarios possibles d'évolution de l'épidémie et de s’y préparer.
Modèles mathématiques
Pour essayer de prévoir l’évolution de l’épidémie de COVID-19, les épidémiologistes utilisent des modèles mathématiques qui simulent la propagation du virus SARS-CoV-2 au sein d’une population. Les modèles intègrent souvent de nombreux paramètres tels que le nombre de personnes infectées par une personne atteinte, la durée de la phase infectieuse, l’âge des personnes infectées, les contacts physiques, la mobilité des personnes entre autres.Ces paramètres ne peuvent pas tous être déterminés avec fiabilité et peuvent varier d’une région à une autre ou au cours du temps.
Un modèle de référence est le modèle “Susceptible Infecté Rétabli” ou “SIR” développé par Kermack et McKendrick en 1927 pour modéliser la dynamique de l’épidémie d’une maladie infectieuse au sein d’une grande population. Dans ce modèle, les individus de la population sont répartis en trois catégories : Susceptible, Infecté, Rétabli. Les personnes évoluent entre ces 3 catégories. A partir de ce modèle, plusieurs extensions ont été développées pour rendre compte de l’exposition, de l’infection, de la contagion et de l’immunité.
Phase initiale de l’épidémie
Ces modèles montrent qu’en absence de mesures pour endiguer la propagation du coronavirus SARS-CoV-2 dans une population, l’épidémie de la COVID-19 entraine un nombre important de cas graves, surpassant largement les capacités hospitalières de réanimation des pays les plus développés. Ces perspectives ont conduit la majorité des pays à mettre en place des mesures de confinement pour empêcher ou limiter la propagation du virus. Le taux d’attaque et la vitesse de propagation dépendent de la densité de la population ainsi que de l’âge de la population, ce qui explique que les règles les plus strictes aient été imposées dans les métropoles les plus denses ou dans les communautés les plus âgées.
Seconde(s) vague(s)
Les simulations à long terme indiquent que l’épidémie peut rebondir après avoir été endiguée. Des rebonds épidémiques ont déjà été observés dans certains pays touchés précocement (par exemple en Arabie Saoudite, en Iran, en Corée, en Chine). Ces “secondes vagues” sont difficiles à prévoir car elles dépendent de paramètres qui sont souvent sont difficiles à évaluer ou encore inconnus tels que la proportion de la population déjà infectée par le coronavirus, le maintien des mesures de distanciation physique et des gestes barrières, la capacité des pays à détecter et isoler les nouveaux cas, le comportement des individus, la durée de l’immunité.
Effet de la saison
La saisonnalité de la COVID-19 n’est pas encore connue. Il est probable que, comme de nombreuses maladies respiratoires infectieuses, la COVID-19 soit ralentie pendant l’été dans les régions tempérées. Même si les hautes températures et la lumière du soleil réduisent la transmission du coronavirus SARS-CoV-2, sa contagiosité élevée et l’écrasante sensibilité de la population humaine mondiale pourraient l’emporter sur tout effet climatique. En outre, les modèles qui prennent en compte une diminution de l’infectiosité du coronavirus montrent qu’une pause estivale ne signifie pas la fin de l’épidémie. Il est fort probable que la maladie devienne saisonnière ou que des pics épidémiques apparaissent de manière intermittente, par exemple tous les deux ans.
Importance de l’immunité
Les modèles qui prennent en compte l’immunité des personnes ayant été infectées montrent que ce paramètre est critique sur l’évolution de l’épidémie à long terme. Dans la majorité des pays, on estime aujourd’hui que moins de 10% de la population a été infectée, ce qui n’est pas encore suffisant pour conférer une immunité de groupe qui pourrait empêcher l’arrivée de secondes vagues. Si l’immunité est durable, l’épidémie pourrait disparaître. Par contre si l’immunité est courte, il est possible que la COVID-19 devienne une maladie récurrente comme la grippe. Les données sur la réponse immunitaire à SARS-CoV-1 lors du SARS en 2003 suggèrent une immunité intermédiaire approchant 18 mois.
Sources
Modélisation de l’épidémie de COVID-19 montrant qu’elle peut entraîner une saturation du système de santé.
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Flaxman, S., Mishra, S., Gandy, A. et al. Estimating the effects of non-pharmaceutical interventions on COVID-19 in Europe. Nature (2020).Modélisation de l’épidémie de COVID-19 en Ile-de-France et de son évolution après la phase de confinement.
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